MORS OU SIDE-PULL ?
Nous observons désormais un mouvement qui tend à la suppression de tout élément coercitif en équitation.
Réjouissons-nous, car fort heureusement, chaque jour de nouvelles consciences s'éveillent qui expérimentent l'intelligence et l'empathie en lieu et place de la coercition.
De manière récurrente, peu importe le type d'équitation hors concours bien entendu, il se pose alors la question du choix du mors ou du side-pull.
En réalité, il convient de ne pas entrer dans l'intégrisme de pensée, ni d'une part ni d'autre part.
Car il n'existe pas de règle absolue en ce domaine. Tout dépend toujours du niveau de conscience du cavalier, de son niveau équestre et du niveau d'éducation du cheval.
Quand bien même l'image d'Epinal de la plupart serait de se promener en liberté dans la campagne, sans mors en montant un cheval qui répond à un langage subtil et intuitif, la réalité doit être tempérée.
Je me souviens d'une jeune femme trop pressée de retirer le mors sur un cheval présentant de nombreux dysfonctionnements comportementaux.
Cela s'est terminé avec une triple fracture de la mâchoire, du bassin, de plusieurs côtes et des contusions diverses ...
Autrement dit, le facteur qui prévaut en ce domaine se nomme prudence et sécurité.
Une monitrice d'équitation témoignait récemment de l'utilisation d'un side-pull mal ajusté et trop serré sur un cheval au chanfrein sensible.
En agissant sur les rênes pour l'arrêter, le cheval s'est assis sous l'effet de la douleur.
Autrement dit, selon le cheval, un side-pull mal ajusté ou mal utilisé peut présenter les mêmes effets coercitifs qu'un hakamore ou qu'un bosal.
Souvenons-nous que face à l'inconfort ou à la douleur, les chevaux activent leur instinct de fuite.
Bien évidemment, il n'existe pas de règle générale car chaque cas doit s'évaluer individuellement.
Il va de soi que toute embouchure sévère reste à proscrire au même titre que les muserolles serrées. De même, le principe du noseband doit être définitivement condamné.
Rappelons aux sclérosés du paradigme que l'on contrôle mieux un cheval par son esprit que par un matériel coercitif qui exacerbe l'instinct de fuite en conséquence de l'inconfort ou de la douleur ressenti.
Alors oui, il vaut mieux un mors confortable, de bonne qualité, ne produisant pas d'électricité statique dans la bouche du cheval, favorisant la salivation, que tout harnachement pseudo-éthologique à la mode qui ouvre des boites de Pandore menant aux accidents.
Le problème du mors réside avant toute dans son utilisation par le cavalier.
L'instauration d'une relation de pleine conscience au cheval et d'une équitation cognitive doit respecter des paliers et des progressions qui ne peuvent être compressés et encore moins ignorés.
Cela commence par l'apprentissage du contrôle de nos propres pensées afin de contrôler nos émotions. Car chaque pensée, chaque parole et chaque action engendre une émotion à laquelle le cheval réagit par résonance.
Vient ensuite seulement le langage équestre conscient qui s'apprend et se travaille quotidiennement.
A titre de comparaison, dans l'apprentissage d'une langue étrangère, nous commençons à pouvoir nous exprimer à partir de la connaissance de 1000 mots. Une discussion fluide ne sera possible qu'avec un lexique de 3000 mots. Comme pour une langue étrangère humaine, la langue équine s'apprend, s'exerce et se travaille au long cours.
La conscience du cheval évolue au même titre que notre conscience évolue par l'acquisition de connaissances, par la réflexion et par l'exercice de la pensée intelligente.
Il vient alors un jour ou l'expérience du side-pull ou de la cordelette devient une évidence au regard de l'alchimie construite sur la base d'un amour inconditionnel enrichi par une communication riche d'expérience et de sagesse.
Mais n'oubliez jamais que le cheval vit à l'instant présent. Son seul objectif est de vivre dans la paix de l'esprit et dans la confiance de la grégarité, fusse-t-elle interespèces.
On peut définitivement accéder à des niveaux d'harmonie et de fusion de conscience extraordinaires. Mais le langage équin et l'équitation ne s'improvisent pas.
Ils s'apprennent avec des personnes bienveillantes, pédagogues et expérimentées.
Il manque au technicien pur toute la conscience de la réalité de l'esprit du cheval.
Et il manque à la plupart des éthologues et spiritualistes l'expérience du chemin de la Haute-Ecole.
L'équitation holistique synthétise ainsi l'esprit et la matière, la conscience et le geste, l'expérience et la sagesse.
L'abandon du mors représente alors le Graal qui symbolise l'unité des consciences humaines et animales, la fusion du langage et de la technique dans l'harmonie absolue.
Nous devenons alors Centaure.
Comprenne qui pourra.
Francis Stuck
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